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La technique d’émaillage à la cendre est très ancienne, elle offre une brillance naturelle, c’est-à-dire sans qu’il soit nécessaire de poser un émaillage au préalable. Cependant, il est intéressant de combiner les deux procédés.
Pour l’instant, en ce qui me concerne, et contrairement aux céramistes avec lesquels je travaille*, je ne pose aucun émail préalable sur mes sculptures étant donné que la brillance ne m’intéresse pas de prime abord. Pourquoi dès lors avoir construit un four à bois pour cuire mes sculptures ? Tout d’abord pour diversifier leur aspect final. Il me plaît de laisser au feu le soin de parachever mes réalisations, ce qui me procure toujours étonnement et ravissement. Seconde raison : vivre des expériences techniques et humaines avec mes amis céramistes où les expertises se croisent sans cesse.
Notre four, construit à Henri Moulin près de Trois-Ponts est un four d’inspiration japonaise appelé Sasukenei (prononcer « sasknei »), constitué par l’assemblage de 3000 briques réfractaires posé sur une dalle en béton et isolé à l’aide d’un mélange de terre, de paille et de brique pilée.
Le foyer est de type Bourry. Cela signifie que les flammes sont descendantes grâce au fait que l’alimentation en bois se pratique en hauteur, et qu’elles se dirigent vers le bas pour accéder à la chambre de cuisson au centre puis rejoindre la cheminée située de l’autre côté du four. De cette façon, les braises sont en contact direct avec la chambre de cuisson. Cela permet d’utiliser au maximum l’énergie du feu.
Une cuisson peut durer de quatorze à plus de vingt-quatre heures. On procède tout d’abord à un bassinage, opération qui consiste à provoquer l’évaporation de l’humidité encore présente dans les céramiques et dans le four. Le bassinage est terminé lorsqu’on arrive à 100°. Vient ensuite le petit-feu, l’opération où l’on va monter graduellement (environ 50° par heure) jusqu’à 650°. À ce stade, le grand-feu peut alors commencer et culminer à 1100°. Les céramiques ont alors une teinte jaune-orange. Il reste (mais c’est le plus difficile) à prolonger la cuisson dans les hautes températures (1200 à 1300°). Les sculptures sont alors de teinte jaune-blanc, et les particules grasses contenues dans les cendres déposées sur la terre des céramiques se liquéfient seulement pour constituer la glaçure tant recherchée. La phase de réduction reste à faire, consistant à alimenter le foyer avec beaucoup de bois et/ou laisser entrer peu d’air, ce qui dégage une intense fumée. Enfin, un « lavage » au feu, c’est-à-dire une dernière remontée en température clôture les opérations.
Réussir une cuisson constitue réellement une maîtrise. Quand on sait que les flammes ne dépassent jamais 1100° et qu’il faut atteindre 1300°, cela semble relever de la science ou de la magie. En réalité, les braises peuvent atteindre 1500°, les briques réfractaires ont pu accumuler la chaleur par convection puis restituer les calories par radiation, enfin, la forme du four avec voûte achève d’expliquer ce gain de température.
L’alimentation en bois préalablement fendus se fait environ toutes les trois minutes. Il peut s’agir de bois de peuplier, d’épicéa, de chêne, de frêne, de tilleul, de hêtre, de bouleau ou de charme, ces espèces sont citées ici par ordre décroissant en taux d’humidité. Moins c’est humide mieux cela vaut. Les meilleures cendres sont celles du chêne, du charme, des arbres fruitiers, du hêtre et du noyer. Les moins bonnes sont celles de l’épicéa, du pin et du peuplier.
Au final, réaliser une cuisson au four à bois est un vrai travail d’équipe qui apporte beaucoup de satisfaction et de plaisir de vivre. Chaque cuisson est une gageure, car comme le disait Pline l’ancien, « La seule certitude, c’est que rien n’est certain ».
José Strée
* L’équipe des céramistes est constituée par Jacqueline Roumez de Henri Moulin, Claudine Bodson et Guy Cox de Poulseur, (Marita Braet, Robert Pagura de Herstal jusqu’en 2017), José et Christine Strée de Ferrières.