Printemps 2019
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« Nous avons tous notre triangle des Bermudes, reprit-il, mais notez que les oiseaux le traversent, les bateaux s’y perdent, les avions disparaissent, mais les oiseaux passent sans encombre, c’est une consolation. »
François Emmanuel, Le Cercle des oiseleurs, Les impressions nouvelles, p. 112
Automne 2018
2017
Cette sculpture a été réalisée en terre Vagner à forte chamotte. Cette terre autorise de forts écarts de température, ce qui favorise les cuissons primitives (Pit Fire, Four papier). Elle a été réalisée en partie de façon plutôt violente, à coups de poing. La trace du poing est encore visible dans le creux de la tête. Les colorations sont dues au mode de cuisson. Un badigeon de saumure rapidement posé sur la pièce crue avant la cuisson a provoqué une réaction chimique, donnant des couleurs orangées à noirâtres, selon la concentration de sel. J. Strée
« Le dommage causé à l’oeuvre est chose inéluctable. Non content de l’accepter, je l’accélère moi-même. Ce faisant, cela induit mon accord sur le fait que la laideur, inévitable à la suite d’un choc ou d’un préjudice, est un facteur possible pour atteindre à la beauté. La perte d’harmonie, la déstructuration, la déliquescence… sont les nouvelles conditions sur lesquelles je travaille. » J. Strée
« Il existe un champ de création aussi vaste dans la voie de l’altération que dans la voie de l’édification. » J. Strée
« Ma démarche sculpturale peut se définir par la volonté d’intégrer dans la réalisation la disparition, l’altération, l’effacement, la dissolution, l’ensevelissement… La détérioration est une des composantes inhérentes dans mon processus créatif. Au lieu de laisser ce soin au hasard, je provoque cette “finition”. Cette intervention est un artifice, mais au fond, ce n’est qu’un artefact de plus. » J. Strée
« L’art ne rend pas visible, il prépare à l’invisible ». J. Strée
« L’art en tant que fragment. Une telle pièce sculptée, disposée à même un sol, évoque à coup sûr un fragment en ruine. Il n’y a pourtant ici aucune nostalgie, aucune volonté romantique qui consisteraient à trouver beau ce qui est avili par le temps. » J. Strée
« Mes travaux ne sont pas à considérer comme des ruines, car des ruines sont des moments figés de la dégradation, après que ces objets ont été déclarés sans utilité. Mes sculptures n’ont pas d’utilité, dès le départ. Elles ne peuvent donc littéralement « tomber en ruine ». À chaque instant de leur existence, elles n’ont pas d’objet : au stade du pétrissage de la terre, à celui du façonnage, de la finition et enfin de leur volontaire effacement partiel, elles ne font jamais signe vers un retour, mais vers un devenir. Elles n’indiquent pas un retour au rien, à la dissolution, elles invitent à un au-delà des choses et des Êtres. » J. Strée.
« Ce que je fais ne cherche pas à plaire. S’il plaisait, du premier coup, à un nombre élevé de personnes, je considérerais cela comme un échec. Pourtant, loin de moi l’idée qu’il faille déplaire au moment où je fais ce que je fais. » J. Strée
« Pour me garder de produire des objets, mes sculptures sont sans aucun projet, sans aucune visée préalable, sans aucun souci d’installation (appartement, galerie, musée, lieu public ou privé…). De surcroît, dans mon style organique, la volonté de finition est bridée. » J. Strée
« Mes sculptures ont subi des outrages, des violations déterminées. Quand je les estime terminées, elles ont l’apparence de vieilles choses. C’est à ce stade qu’elles me semblent parées de sagesse, de plénitude, comme des êtres vivants qui ont beaucoup enduré, qui ont accumulé assez d’expérience. Elles célèbrent leur victoire. Ce n’est donc pas leur disparition lente vers l’état de poussière qui est présenté, mais leur maintien dans le temps et dans l’espace. Ce n’est pas la beauté perdue de leur jeunesse qui est évoquée, c’est l’état sublime de leur maturité. » J. Strée.
« L’art a le pouvoir de “commencer” parce qu’il est lui-même un commencement : il est “initial”, bien plus, il est — pour ainsi dire — “initiatif”, non seulement parce qu’il est “original”, mais, bien plus, parce qu’il est “originaire”. »
Luigi Pareyson, Conversation sur l’esthétique, NRF Gallimard, 1992, p. 58.
« Je ne souhaite pas d’éclairage sur mes sculptures : éclairées, elles deviennent des joyaux négociables. Mes sculptures ne sont pas des objets. Elles ne sont pas réalisées pour être vendues. Elles ne sont pas adressées aux hommes, aux femmes, aux enfants, mais il est peut-être heureux qu’ils puissent les voir. Elles sont dressées pour le peuple des morts et ceux qui n’ont pas vécu encore. Ce que je fais est un rituel. Il n’a d’autre fin que celle d’être réalisé pour lui-même, de m’extraire de la vie quotidienne, de me rapprocher des mystères, de m’aider à voir au-delà du visible. Ce que je fais n’est pas destiné à s’adapter à un autre lieu que celui où il a vu le jour. Donc pas d’exposition ailleurs qu’à Ferrières, ou à tout le moins, le moins de déplacement possible. L’art c’est quelque chose que l’on va voir, ce n’est pas une chose avec laquelle on vit. Si c’était le cas, il serait essentiellement décoratif, ce que je conteste. Il appartient aux gens de vouloir rencontrer cette dimension proposée et accessible malgré le fait qu’elle ne leur soit pas adressée en priorité. » J. Strée
« L’art n’est-il pas toujours au-delà de l’art ? C’est-à-dire que, quelque haute estime que nous ayons de l’art, n’est-il pas plus haut, plus vaste, plus insaisissable, plus immaîtrisable que l’idée que nous nous en faisons, et surtout que l’aspect que peut nous en donner notre regard ? » José Strée, 2010, in La Dissolution de la forme, causerie à Insel Hombroich.
« Quelles sont la place et la fonction de l’art ? Selon ma perception actuelle, je pense que l’art fonctionne comme un voile, en somme, comme un écran translucide. Elle filtre un au-delà. Du fait même qu’il ne laisse pas tout transparaître, l’art joue un rôle d’incitant à regarder. On connaît ce phénomène dans l’érotisme. Un corps à demi dénudé stimule davantage l’acte de voir que la seule et entière nudité. En nous privant de netteté, de certitude, l’art favorise notre acte contemplatif. N’est-ce pas face au mystère, face à l’incomplétude, face à l’inachevé… que nous méditons et contemplons le mieux ? N’est-ce pas face à l’invraisemblance que nous nous mettons tantôt à contempler, tantôt à explorer ? La vraisemblance n’intéresse pas le scientifique. Pourquoi intéresserait-elle l’artiste ? Et a fortiori, pourquoi satisferait-elle l’amateur d’art ? » J. Strée in « Le Voile » (extrait).
« Sculpté dans une terre rouge-orangé, ce personnage hérité de la statuaire africaine est dépourvu de bras. Il ne s’agit pas d’une mutilation, mais d’un mode de création qui permet d’atteindre à une expression formelle plus intense. Comme dans certaines oeuvres de Rodin (L’Homme qui marche), de Lehmbrück (Le Torse), la proposition d’un corps incomplet, inachevé, présenté comme une oeuvre achevée a été une de mes voies de création privilégiées. Le personnage est appuyé sur une sorte de trône ou de siège étrange. Est-il un fils de roi ? S’interroge-t-il sur ses privilèges, sa condition d’héritier ? Comme tous les hommes, il est nu et comme privé de moyens d’agir. » J. Strée
« Comme la plupart de mes sculptures, celle-ci a été réalisée sans modèle. Seul le souvenir d’oeuvres appréciées a guidé mes doigts. Le souvenir des Vénus de Lespugue et de Willendorf, des dessins et sculptures de Joseph Beuys, des oeuvres de jeunesse de Fontana, des sculptures de Medardo Rosso, des oeuvres archaïques ou encore étrusques ont conduit la réalisation de cette oeuvre. » J. Strée
« Un corps humain dépourvu de tête, vidé, mais encore debout, les bras attachés derrière le dos, tourne le dos au supplice de son existence pour gagner la voie de sa libération. Suggérer plus que représenter est une pratique courante dans mes réalisations. Je tiens à laisser une vaste place au spectateur, qui pourra reconstituer le manque, trouver une signification à ce qui a été mis en place. » J. Strée
« Car tel est le paradoxe de l’art, que compte essentiellement ce que nous ne voyons pas. » Bernard Lamarche-Vadel.
« Ce que je fais n’a pas de finalité esthétique. J’aimerais me départir de l’idée que je fais de l’art lorsque je fais quelque chose dans mon atelier. Seul le processus doit guider mes recherches. Le processus est le commencement, mais plus qu’un début, il est une recherche du début. » J. Strée