L’œuvre de Jean-Pierre Bronze, fruit sombre arrivé à sa pleine maturité, ne semble intéresser personne. Œuvre abondante, authentique, profondément attachée aux valeurs de l’humain, elle n’a eu de cesse depuis 1975 de questionner, de présenter la place de l’homme moderne en face de sa quête métaphysique. La figure humaine, depuis une année à présent, a pourtant disparu de sa peinture. Ses créations ont l’apparence de reliques, le matériau fragile, éphémère a remplacé la figure meurtrie d’une humanité qui agonise. Papiers, tissus, cire d’abeille, graphite, plis sombres, teinture plus que la peinture, voici son ultime registre.
L’œuvre gonfle, prend du volume, comme prête à se fissurer. Sont-ce les coussins de l’espoir — des cocons recelant d’impossibles rêves — ou du désespoir ? Beaucoup de ses dernières créations font songer à des oreillers, comme imprégnés des plus sombres cauchemars de l’humanité.
Son œuvre, depuis longtemps foisonnante, généreuse, lyrique, est à présent parvenue à une liberté de création située aux antipodes des courants qui plaisent ou qui peu ou prou relèveraient de la décoration ou de l’objet pop. Dans ses dernières œuvres, nulle place pour le clinquant, le rutilant. S’il y a de la légèreté, c’est celle du matériau, le papier ou le tissu, qui telle une peau desséchée, fait l’éloge de l’ombre. La souillure devient ce par quoi se révèle la dignité, c’est la pauvreté du matériau qui fait figure.
La vraie beauté est tapie dans l’ombre. Tels les laques japonais, qui ne s’apprécient que dans la faible lueur que tamisent des lieux dépourvus de fenêtres, les œuvres de Jean-Pierre Bronze ne livrent leur beauté que loin, très loin des feux de la rampe.
Et pourtant, cette rampe qui lui fait défaut est à venir, assurément.
José Strée
Le 23 mai 2011.