2020-2024
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Aux murs, 2 peintures de Yves Piedboeuf.
Au mur, 3 compositions photographiques de Daniel Dutrieux.
On trouvera tout d’abord ci-dessous les plus récentes sculptures cuites en juin 2024
Qui sait les races d’animaux qui nous ont précédés ? Qui sait les races d’animaux qui succéderont aux nôtres ? Dans cet immense océan de matière, tous les êtres circulent les uns dans les autres, par conséquent toutes les espèces. Tout animal est plus ou moins homme, tout minéral est plus ou moins plante, toute plante est plus ou moins animal. »
Jean Soler, Dieu et moi, éditions de Fallois, 2016
« La Nature a créé l’homme sans savoir ce qu’elle faisait. »
Marcel Conche, Philosophie théorique, Métaphysique, éd. Bouquins, p. 324
« La Nature est tout ce qu’il y a. »
Marcel Conche, Philosophie pratique, Présence de la Nature, éd. Bouquins, p. 717
Sculptures cuites en septembre 2023
« La Nature est la Phusis grecque ; étant omni-englobante, elle comprend l’homme en elle. »
Marcel Conche, Philosophie théorique, Métaphysique.
Sculptures créées entre mai et septembre 2022
« Les formes végétales […] ne sont pas à l’origine déterminées et fixées ; bien plutôt leur a-t-il été donné, dans leur opiniâtreté générique et spécifique, une heureuse mobilité et plasticité, afin que, dans les conditions si nombreuses qui sur terre agissent sur elles, elles puissent s’adapter, se former et se transformer. »
Goethe, La Métamorphose des plantes, Triades, 1975, p. 29
Notre vocation est comparable à celle des plantes, qui s’épanouissent à travers la floraison. Nous devons par conséquent fleurir nous aussi, déployer nos pétales, pour atteindre l’idéal qui comblera notre nature. C’est ainsi que nous deviendrons civilisés et, par là même, heureux.
Thibault Isabel, Proudhon L’Anarchie sans le désordre, Collection « Universités populaires & Cie, Éditions Autrement, Paris, 2017, p. 146
Place à présent à des sculptures déjà montrées sur ce site en 2021
Je crois que les artistes ignorent souvent ce qu’ils savent le mieux faire parce qu’ils sont trop vaniteux et qu’ils dirigent leur esprit vers un plus grand sujet de fierté que de paraître ces petites plantes qui, nouvelles, rares et belles, savent pousser avec une véritable perfection sur leur sol. […]
Friedrich Nietzsche, Le Gai savoir, GF Flammarion, 2007, p. 137
Dans cet immense océan de matière, tous les êtres circulent les uns dans les autres, par conséquent toutes les espèces. Tout animal est plus ou moins homme, tout minéral est plus ou moins plante, toute plante est plus ou moins animal.
Jean Soler, Dieu et moi, Édition de Fallois, 2016.
Me voici, avec mon moi-ichtyosaure et mes réminiscences ataviques qui remontent jusqu’au monde végétal et jusqu’au monde minéral, avec en moi des prémonitions prophétiques tournées vers l’avenir.
John Cowper Powys, Apologie des sens, in Christine Jordis, Le Paysage et l’Amour dans le roman anglais, Éditions du Seuil, 1994
Les plantes seules sont responsables de la présence d’oxygène libre dans notre atmosphère. Aucune planète du système solaire n’en possède.
Hubert Reeves, Patience dans l’azur, Éditions du Seuil, Point, Sciences 1981, 1988, p. 158
Nous n’avons aucune raison de refuser au monde végétal une certaine lente, obscure, vaste, paresseuse semi-conscience, que nous indique la grossière approximation de leur vie intérieure exprimée par le verbe « végéter ».
John Cowper Powys, Une Philosophie de la solitude (1933), Allia, 2020, p. 147
… soit dit en passant, je pense que l’expérience esthétique la plus authentique est celle des « beautés naturelles ». Selon la leçon de Kant, mais pour des raisons inverses : non parce que l’expérience de la « beauté vague » incline à la moralité, mais parce qu’elle incline à une allègre sauvagerie, parce que, à l’air libre, le corps s’engage mieux, tous sens déployés, dans l’aventure de la présence ; la fleur garde son parfum, l’océan son iode, la physis sa puissance ; et l’imaginaire n’est pas loin.
Mikel Dufrenne, Art et politique, 1O/18, 1974, p. 104
Été 2019
Si nous descendons bien du singe, (selon une formule inappropriée, car nous sommes le produit de l’évolution d’un singe), nous descendons plus sûrement encore de plantes sans lesquelles nous ne serions pas. Il reste en nous de la plante : il y a de nous dans la plante.
Michel Onfray, Cosmos
Il y a quelque chose de sacré dans tout être qui ne sait pas qu’il existe, dans toute forme de vie indemne de conscience. Celui qui n’a jamais envié le végétal est passé à côté du drame humain.
Cioran, La Chute dans le temps, NRF, Essais Gallimard, 1964, p. 188
Printemps 2019
Pihi est un mot inventé par Guillaume Apollinaire. On le trouve dans le recueil Alcools. Il renvoit à des oiseaux imaginaires qui ne sont dotés que d’une seule aile. De ce fait, ils sont contraints de voler en couple. Sans partenaire, l’existence leur est tout bonnement impossible.
Automne 2018
Été 2018
L’artiste en particulier ose affronter les questions fondamentales de l’existence. Peut-être que l’essence même de l’art consiste dans la transmission d’une peur existentielle, dans la propagation même du doute.
José Strée, le 7 juin 2018
Sont insincères les écrits faits pour étonner, et aussi ceux — notez bien, ceci est important — ceux qui ne reposent sur aucune idée métaphysique fondamentale, c’est-à-dire ceux où ne passe pas — ne serait-ce que comme un souffle — une notion de la gravité et du mystère de la vie.
F. Pessoa, Lettre à A. Cortes Rodrigues (1915)
Anges ou dieux, toujours nous avons eu
La confiante vision de ce qu’au-dessus
De nous, et nous astreignant, sur
Nous agissent d’autres présences.
Fernando Pessoa, Odes retrouvées de Ricardo Reis, Christian Bourgeois éditeur, p. 186.
« Je ne sculpte pas pour laisser ma trace, mais pour donner de l’épaisseur au temps que j’ai à vivre. »
José Strée, Journal, 2018
Habituellement ceux qui évoluent dans l’espoir ou le regret font de leur vie un vaste champ d’utopie ou un calvaire, ils oublient l’essentiel, à savoir qu’il n’existe que succession d’instants bruts et triomphants.
Michel Onfray, La Sagesse tragique (du bon usage de Nietzsche), p. 123
Qu’est-ce que l’idéal, sinon l’aveu que la vie ne rime à rien ? Qu’est-ce que l’art, sinon la négation de la vie ? Une statue, c’est un corps mort, sculpté pour fixer la mort dans une matière incorruptible.
Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité, p. 198.
À mi-chemin entre la foi et la critique se trouve l’auberge de la raison. La raison, c’est la foi dans les choses qu’on peut comprendre sans foi ; mais c’est encore une forme de foi, parce que comprendre part du présupposé qu’il existe quelque chose de compréhensible.
Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité, p. 197.
2017
La seule tragédie, c’est de ne pouvoir se concevoir soi-même comme tragique. J’ai toujours vu clairement ma coexistence avec le monde. Je n’ai jamais ressenti clairement mon besoin de coexister avec lui ; c’est en quoi je n’ai jamais été un être normal.
Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité, p. 136.
2016
« Que ceux qui détiennent la vérité la relâchent. »
Amin Maalouf, Léon l’Africain, p. 319.
Dans ces moments où je comprendrais même les ascètes et les solitaires — si j’étais capable de comprendre des gens qui emploient tous leurs efforts à des entreprises marquées au coin de l’absolu, ou dont les croyances peuvent inciter à de tels efforts —, je créerais, si je le pouvais, toute une esthétique de la désolation, une rythmique intime de berceuse pour enfants, modulée, par les tendresses de la nuit, en regrets d’autres foyers, infiniment éloignés.
Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité, p. 223.
Ne tirent les dernières conséquences que ceux qui vivent hors de l’art. Le suicide, la sainteté, le vice — autant de formes du manque de talent.
Cioran, Précis de décomposition, Gallimard 1949, p. 77.
Tout isolés qu’ils paraissent, les stylites agissent en vivant comme ils font. En stationnant sur des colonnes, sans jamais en descendre, ils projettent un sens — c’est inévitable, on ne peut vivre sans projeter un sens —, et c’est regrettable, car le sens projeté amorce des conséquences qui modifient la vie d’autrui, laissant croire que la vie a un sens, entraînant des croyances et des convictions en tous genres qui toutes se valent dans l’égarement.
José Strée, Journal, août 2016.
En voulant faire l’ange, la morale ascétique fabrique la bête.
Michel Onfray, L’archipel des comètes, Grasset, p. 232
« Vivre seul signifie ne plus rien solliciter, ne plus rien espérer de la vie. La mort est la seule surprise de la solitude. Les grands solitaires ne se retirèrent jamais pour se préparer à la vie, mais, au contraire, pour attendre, résignés, le dénouement. On ne saurait ramener, des déserts et des grottes, un message pour la vie. Ne condamne-t-elle pas, en effet, toutes les religions qui ont trouvé là leur source ? N’y a-t-il point, dans les illuminations et les transfigurations des grands solitaires, une vision de la fin et de l’effondrement, opposée à toute idée d’auréole et d’éclat ? »
Émil Cioran, Sur les cimes du désespoir
Titre original : Pe culmile disperari. Publié à Bucarest en 1934.
Éditions de l’Herne, 1990, p. 37
2015
Ma série des oiseaux noirs a débuté en 2013. J’ai tout d’abord réalisé un oiseau à l’apparence pour moitié humaine, et pour autre moitié oiseau, à partir — chose rare chez moi — d’un dessin à la mine grasse. Il supporte deux fines barrières, maintenues sur ses ailes à l’aide d’une corde. Son apparence sous certains angles si proche d’une attitude humaine me l’a immédiatement rendu sympathique, à vrai dire… terrifiante, mais sollicitant incessamment mon attention. Ses pattes étaient lourdes, ses serres devenaient des doigts, ses pattes des pieds d’humains comme agglutinés sur un chemin. On sent l’effort qu’il produit pour avancer. Une pénibilité évidente s’en dégage, mais on dirait que cette peine est consentie, qu’elle a une raison d’être.
Le choix de la terre et la cuisson au four à bois ont rendu son aspect noir, renforçant encore cette impression. Le choix de cette terre était intentionnel, j’avais envie de poursuivre dans cette voie sombre, comme je l’avais déjà expérimentée avec « Âme attachée II », « Gisante noire », et « Gémellité ».
Il m’est vite venu à l’esprit que cette posture attendait une suite, que d’autres sculptures d’oiseaux devaient l’accompagner. À plusieurs, ils pourraient apparaître comme une colonie d’êtres hybrides chargés de débarrasser de la terre ce qui entrave la vie des hommes. Barrières, grilles de prison, fragments de murs, palissades, armes, drapeaux, signes religieux, argent, drogues, privilèges… pourraient être ainsi représentés sur les ailes le plus souvent ramassées derrière le dos de ces êtres chimériques.
Telles ont été mes premières réflexions, qui n’ont pas changé durant les quelques mois qui ont séparé la création de toutes ces figures. Je ne sais combien j’en réaliserai, mais pour la première fois de ma vie, l’envie de poursuivre une série s’est faite évidence, une sculpture en appelant une autre, s’imposant à moi comme une nécessité.
José Strée
Nous avons vu la colonne de Siméon le Stylite, ce rocher érodé dans sa grande basilique rose, saint Siméon homme d’étoiles, que les astres découvraient nu, les soirs d’été, sur son pilier immense, au creux des vallons syriens…
Mathias Enard, Boussole, roman, Actes Sud 2015, p. 364
En ce mois de février je termine un xième stylite. C’est un vieil anachorète quasi nu qui semble ruminer de vieilles convictions. Cette notion de croyance est au coeur de ma réflexion. Comme les dénigrent Émil Cioran, Oscar Wilde, Michel Onfray et d’autres écrivains que j’apprécie, je me moque un peu aussi des certitudes avec cette série de stylites qui renvoie à ces ermites qui ont fait le choix de vivre dans l’inconfort, la mendicité, à mi-chemin (pensent-ils?) entre Dieu et le monde séculier. Ce choix extrême de vivre par tous les temps sur un inconfortable piédestal, de n’en descendre sous aucun prétexte, jusqu’à ce que mort s’ensuive, cela tient tout à la fois de la foi et de la folie. Cette posture inspire du respect, de l’admiration et tout aussi bien la réfutation, la détestation. Que penser du fait de se reclure comme ces ermites qui jadis en s’isolant sacrifiaient leur vie, convaincus qu’ils étaient de l’offrir à Dieu? Que penser de ces extrémistes qui, de nos jours, choisissent de quitter dans la douleur, pour eux-mêmes, mais aussi, hélas pour autrui — le monde des vivants ? Si ces rares stylites des premiers siècles de notre ère offraient dans les vallons syriens leurs prières et leurs conseils spirituels en échange de nourriture et de boisson, qu’offrent aujourd’hui ces fous de Dieu en se faisant exploser au milieu des foules ? Ces esprits conquis totalement par des idéologies, par des certitudes, n’ayant plus pour autre désir de concrétisation que d’accélérer la fin de l’existence, cette vie, ce cadeau essentiel fait à chaque individu par le plus fabuleux mystère qui soit—, ces esprits, disais-je, ne sont-ils le symbole même de l’homme sur terre, incapable de libre arbitre, incapable d’ajouter à ses acquis le fruit des découvertes de ses semblables, préférant s’en tenir au « révélé », s’y dissoudre plutôt que d’en bien jouir ? Être bercé par la certitude, n’est-ce pas mourir ? Douter, n’est-ce pas vivre ?
José Strée, le 20 février 2016
« Il m’arrive d’éprouver une sorte de stupeur à l’idée qu’il ait pu exister des « fous de Dieu », qui lui ont tout sacrifié, à commencer par leur raison. Souvent il me semble entrevoir comment on peut se détruire pour lui dans un élan morbide, dans une désagrégation de l’âme et du corps. D’où l’aspiration immatérielle à la mort. »
E. M. Cioran (1937), in Des larmes et des saints, Éditions de l’Hernes, texte traduit du roumain par S. Stolojan, p. 88.
Le couple d’adolescents réalisé en avril 2015 a trouvé son inspiration au musée de la villa Giulia à Rome, face à un vase évoquant le corps d’un éphèbe datant d’une période située entre le IVe et le IIe siècle av. J.-C. L’éphèbe était dans la société grecque un garçon ayant quitté l’autorité des femmes, il m’a plu de lui restituer son alter ego féminin.
José Strée